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NOTE D ‘INTENTION

Taro

Court métrage  de 16 min.


 

Il aura fallu la tragédie du mois de janvier pour que la classe politique accepte que la culture, la liberté et l’éducation sont l’espoir de la France et du Monde. Qu’en reste-t-il ? Comment la jeunesse de cette petite planète « bleue comme une orange », disait Paul Eluard, va-t-elle percevoir sa mission de perpétuer demain un message de paix et d’amour ? Sera-t-elle pourvue de sens critique et capable de s’inventer un destin ? Les citoyens, passée la prise de conscience, sauront-ils parier sur la culture plutôt que sur l’ignorance, sur le partage plutôt que sur le repli, sur l’avenir plutôt que sur l’immobilité ? Devenir qui je suis, déjà au fond de moi, est-ce encore possible dans une société où l’on se responsabilise de moins en moins, et où l’on consomme l’autre ?... J’ai envie d’y croire, car je crois en l’humain, à ses ressources intérieures illimitées.

 

J’ai imaginé il y a plus de trois ans dans un parking asniérois, un personnage intemporel, « Taro », jeune homme de 18 ans venu de l’autre bout du monde. Il vient du Penjab, au nord de l’Inde, mais aurait pu venir de n’importe quel pays. C’est un étranger qui découvre un monde étrange, différent de lui et pourtant il s’y sent bien. Taro est un être idéal. Nous avons tous un « Taro » qui sommeille au fond de nous et un « Marc », plus effacé, timoré, qui se cherche.  

 

Remus et Romulus jetés aux flots du Tibre, Moïse sauvé des eaux, Zeus menacé d’être dévoré par son père Cronos, le Petit Poucet abandonné dans la forêt… Depuis toujours, les mythes, les religions et les contes de fées ont mis en scène des enfants en danger qui, après s’être cachés, ont affronté mille épreuves jusqu’au jour où ils sont devenus des héros. Ces personnages de légende symbolisent parfaitement l’image de l’Enfant intérieur, devenu si populaire dans la psychologie américaine ces vingt dernières années : nous avons tous, en nous, un enfant brimé, abandonné, malmené ou réduit au silence par l’adulte que nous sommes. Le reconnaître et le libérer, c’est reconnaître et libérer notre essence profonde, notre potentiel créatif, notre spontanéité et, finalement, notre propre nature héroïque.

 

L’envie du film est née de mon rapport intime et profond à l’adolescence. A l’enfant intérieur au fond de moi. Cette période riche en expérimentation, que je n’ai jamais vraiment quitté. A travers Taro, J’ai envie de proposer aux adultes de ne pas oublier leur « enfant intérieur », et aux ados de résister aux conventions en s’autorisant à vivre leur vie librement.

   

Taro est aussi une histoire sur la relation entre l’art et la beauté, l’amour et la mort. C’est aussi un film sur la sexualité. Dans une société où l'homophobie est encore fortement ancrée, Taro est un personnage courageux, malgré son âge, qui assume sa différence, poussant chacun à résister aux conventions et à assumer sa singularité.

 

Avec beaucoup d'humour (“Tous les hommes sont bi, c'est Freud qui l'a dit”, déclare-t-il) Taro entraîne son camarade à devenir qui il est. Ainsi, Taro est un « road movie » initiatique sur les rites de passage à l'âge adulte, l'acceptation de soi et la Liberté avec un grand L…

 

 

 

 

 

La réalisation insistera sur le caractère “caravagesque” du personnage de Taro, avec des gros plans multiples caractérisés par un clair obscur prononcé. C’est le sens de la scène du squat, lieu de toutes les transgressions, fonctionnant comme un jeu vidéo.

 

La scène d'amour sado-masochiste entre Taro et Camille dans la chaufferie du squat symbolise l'entrée violente dans la vie adulte des adolescents d'aujourd'hui, confrontés à une société de plus en plus agressive.

 

J'ai choisi de  renoncer à la couleur en adoptant une  approche esthétique et graphique du sujet. Le noir et blanc donnera au film un côté universel, intemporel. Ce choix esthétique est aussi une métaphore de la dualité Ying/Yang, deux couleurs utilisées ensemble pour symboliser – entre autres - une complétude femme/homme, un absolu, une dualité totale.

Taro tente de démontrer qu’il est possible de dépasser cette dualité et de s’affranchir de la contrainte du genre.

 

En ce qui concerne le découpage, on imprimera un rythme saccadé rappelant le mouvement d’une bille de flipper, dans la scène du squat. Par opposition, dans la scène de la mer tournée sur la côte normande - qui est plus contemplative - une certaine lenteur sera privilégiée, avec une image en paysage assez nue.

 

Mis à part l’église dans laquelle se déroule une partie de la fin du film, qui fait encore l’objet de repérages, on trouvera trois types de décors :

 

  • Nous tournerons les scènes du « squat » à "La Passerelle", à Bagneux, un espace artistique occupé  de façon citoyenne par une centaine d'artistes qui vont nourrir l'univers baroque de Taro…

 

  • La route (Parisienne d’abord, puis la nationale qui mène à la Normandie).  Je souhaite valoriser le patrimoine historique, culturel et architectural parisien. Ainsi, sur le pont Alexandre III, je réaliserai des gros plans sur un candélabre et sa Ronde d'Amours portant des guirlandes parmi des poissons ailés sculptés par Henri Désiré Gauquié, symboles de lumière et de pureté. Les angelots préfigurent la scène dans l'église.

 

  • La fin du film sera tournée sur la côte normande, où les deux amis enfin réconciliés partent vers la mer génitrice, source de tous les possibles...

 

 

Mes références principales sont:

 

- L’Île Nue, de Kaneto Shino, film sonorisé mais sans dialogues, où tout est dit dans le rythme et la tessiture inouïe de la mise en scène, pour la dernière partie du film,

 

- Gummo de Harmony Korine, d’où se dégage une réelle poésie,

 

- The Smell of Us de Larry Clark, pour les univers « adulescents » du squat,

 

- Orange Mécanique, de Stanley Kubrick, pour la violence du squat.

 

- Et enfin Salò, ou Les 120 jours de Sodome, dernier film culte de Pier Paolo Pasolini, pour le rapport sado-masochiste entre Camille et Taro,

 

- Mort à Venise, de Luchino Visconti, inspiré du roman de Thomas Mann, qui relate un amour éthéré, pour le jeu sur les regards.

  

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